13 mai 2007

Flash-back-hommage au grand absent du 12 mai 2007

Michaël Isabey - Itinéraire d'un homme de Goux

(L'Alsace - Le Pays, 23 février 2004) — par Gilles Santalucia
<http://www.lepays.net/jdj/04/02/23/SP/15/article_107.html>

Franc-Comtois, fier d'incarner les valeurs de sa région et de porter le maillot du FC Sochaux, Michaël Isabey va franchir un palier supplémentaire dans sa carrière atypique en faisant face à l'Inter Milan, jeudi.

MICHAEL ISABEY est un homme de Goux. Goux-les-Usiers (25), comme toute sa famille, depuis des générations. Dans ce Haut-Doubs, où les yeux roulent naturellement au-dessus des sapins pour y découvrir les premiers contreforts du Jura, Micha Isabey a cultivé son plaisir de la nature. Et sa joie de taper dans le ballon, loin du tumulte des villes, dans la discrétion, sans songer qu'un jour… Milan. Avait-il pensé d'ailleurs que cette carrière qui, aujourd'hui lui offre les plaisirs de l'Europe, aurait pu, ne serait-ce qu'exister ? « J'avais vingt et un an. Je jouais à Besançon tout en étudiant à l'UFRSTAPS. J'avais tiré un trait sur le foot pro. Tout juste, je me voyais réussir un truc avec Besançon…» dit-il. Garçon agréable, attachant, à découvrir mais réservé, timide, soucieux de ne pas déranger l'autre, Michaël a suivi les méandres d'un parcours atypique qui a failli ne jamais se jeter dans l'océan de ses rêves. Passer au travers des mailles de la formation traditionnelle, de ces centres, « Je n'ai qu'une sélection jeunes dans le Doubs », c'est donc dans la capitale franc-comtoise, dans le parallèle d'une vie d'étudiant et de semi pro à Besançon que son avenir à pris forme. Difficilement. Mais Sochaux, un beau jour, lui a fait les yeux doux. (saison 98/99) « Une chance tombée du ciel ». Et avec elle, vingt matches en ligue 2 pour une montée au bout du chemin. Quel bonheur… en queue de poisson. Sochaux, en effet, mise sur la venue de Wallemme et sacrifie Michaël Isabey sur l'autel du quota de joueurs autorisés. « Sochaux a rompu le contrat en me demandant d'aller à Valence pour libérer la place. J'y suis allé une semaine mais la Ligue a refusé ce mouvement. Quand je suis revenu, Wallemme avait signé. Heureusement, Boniface partait à Gueugnon et j'ai pu rempiler ici. » Cette histoire ne le fait toujours pas rire aujourd'hui. « Cela a été dur à vivre. J'ai eu l'impression que le club se servait de moi, profitait un peu de ma méconnaissance du milieu, de ma gentillesse. Ce fut une année galère même si j'avais une petite sécurité derrière puisque j'ai été prêté à Besançon. » (saison 99-00)

"J'ai eu envie de revenir et réussir"

Ce retour à la case départ résonne comme un coup de gong dans la tête bien construite du futur ex sochalien. « A ce moment-là, j'ai changé d'état d'esprit. J'ai eu envie de revenir et de réussir. » Pari gagné, il revient dix mois plus tard. « J'ai commencé à jouer et j'ai senti qu'on m'écoutait ». Un écoute, preuve du pas franchi pour ce garçon qui ne force jamais les esprits à coups de gueule. « J'ai besoin qu'on me fasse sentir que ça va, que c'est bien. J'ai besoin de confiance, tout simplement. » Sa vérité, celle qu'il veut imposer, il la trouve, petit à petit sur le terrain. Il joue et fait grandir son mètre 69, au fil des matches, des semaines, des mois. Il se révèle aux yeux du public, de ses pairs et de lui-même. « On m'aurait dit ça au début de ma carrière, je ne l'aurais pas crû. Ca fait réellement plaisir. Quand je me retourne, je me dis que j'ai parcouru du chemin. » Chemin qui le conduira jeudi devant l'inter. « C'est encore une marche de franchie » reconnaît-il, presque émerveillé de réaliser que… « C'est une avancée mais pas une fin en soi… J'espère.. Quand tu franchis toutes ces étapes, l'envie grandie avec. Tu veux encore pousser l'aventure plus loin. » Une ambition avouée à mots feutrés, pesés, avec toujours le souci de montrer que l'homme n'a pas changé.

"Il me semble que je suis fait pour porter ce maillot"

L'homme né là-haut, en osmose avec cette nature qui a offert à l'enfant de Goux « ce sentiment de liberté, de pureté », cette rencontre avec des « gens vrais, naturels, du terroir, bons vivants, connaissant le prix de l'effort » et véritable source de régénération. « C'est un besoin de retourner là-haut. Leur regard, leur contact avec moi n' a pas changé. Ils me voient avec les mêmes yeux et n'accepteraient pas que je sois différent, aujourd'hui, parce que je suis footballeur avec ce que cela implique. » Attaché aux valeurs, à l'identité franc-comtoise, au FC Sochaux « Il me semble que je suis fait pour porter ce maillot, et j'espère incarner les valeurs de la Franche-Comté que j'adore. » explique-t-il avec franchise. Michaël Isabey, cependant, n'exclut pas un jour… peut-être de partir. « pour me forger le caractère, pour ma carrière personnelle, il serait peut-être bon que j'aille voir ailleurs. » Le tout avoué avec hésitation, sans grande certitude. Son attachement à tout ce qui l'entoure aujourd'hui est si grand. Aussi grand que cet Inter Milan qui dans quelques heures va poser les pieds sur la pelouse de Bonal et trouver, peut-être face à lui, un certain Michaël Isabey, homme de valeur et, désormais, joueur de conquête.

Gilles Santalucia

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